C’est dur et ce n’est pas fini
La mer formée, le vent à 25 – 30 nœuds avec rafales et la pression de la course qui pousse à repousser ses limites, sous spi, a cueilli à froid les coureurs de la Transquadra Madère Martinique qui ont choisi la route nord. « C’est dur », écrivait hier Arnaud Vuillemin (Jubilations Corses), vainqueur de la première étape et en 2e position derrière Alex Ozon (Sapristi) qui annonce, lui, avoir été à plusieurs reprises « sur le fil du rasoir » … avec des surfs à 18,7 puis 19,4 et même 21,1 nœuds le tout dans une nuit noire, sans lune ! Le Royannais a déjà fait le break avec ses poursuivants directs.
Ça, c’est pour l’ambiance. Les nuits sont fraîches. Et nombre de coureurs ont aussi choisi de lever le pied pour préserver matériel et marins. Deux abandons sont en effet déjà à déplorer, Jérôme Lesieur (Fantasia XIII) blessé et Frédéric Ponsenard (Coco) : pilote et voiles HS. Philippe Triem (Phu Cam) a cassé sa barre de liaison de safrans, il pense pourvoir réparer. Stéphane Bodin (Wasabi II) semble faire route vers les Açores.
Cap à l’ouest ou pas !
Ces conditions plus musclées qu’annoncées ont sans doute pesé dans la balance à décisions stratégiques, car une grande partie de la flotte a, dès la nuit dernière, mis de l’ouest dans son cap pour tenter de passer entre deux systèmes dépressionnaires, optant ainsi pour une route médiane.
C’est notamment le cas des deux actuels leader de la flotte double Atlantique : Philippe Claude et Frédéric Gautier (Champagne) au coude à coude avec Gérard Quenot et Jérôme Apolda (Blue Skies). Tandis que la paire Noël Racine/ Ludovic Sénéchal (Foggy Dew) actuellement 3e poursuit sa course nord : un intéressant match à suivre !
Les Méditerranéens font corps
Une majorité de la flotte Méditerranéenne a également mis le clignotant à gauche hier soir. Tandis que les actuels leaders Eric Soubier et Philippe Angaud (Asap) partis sur l’orthodromie obliquent désormais vers le nord-ouest : les marins de la Grande Bleue font corps. Le top ten se tient en moins de 30 milles : le match dans le match est lancé !
Solitaires : faites vos jeux
Les solitaires sont majoritairement sur la route la plus nord avec, donc, Alex Ozon (Sapristi) en tête suivi à une quinzaine de milles par Arnaud Vuillemin (Jubilations Corses). Ils ont tous deux commencé à obliquer vers l’ouest tandis que Jean-François Hamon (Festa Pour Aster) continue sur un cap nord-ouest avec, dans son sillage Pierrick Penven (Zephyrin) et Bruno Rzetelny (Moustache). Là encore, affaire à suivre !
Mais la priorité pour tous est de trouver désormais le bon compromis entre vitesse et préservation des marins et du matériel, car les conditions météo ne vont pas s’améliorer avant plusieurs jours pour les nordistes.
Au sud, ils ne sont plus que trois. Deux font cap à l’ouest depuis la nuit dernière tandis que Caroline Petit et Emmanuelle Blivet (Moogli) poursuivent plein sud : elles font ce qu’elles ont dit qu’elles feraient.
Les mots du large de la nuit dernière
Arnaud Vuillemin (Jubilations Corses)
C’est dur !!!
Le vent s'est levé, j’étais sous grand spi lourd, j'ai changé pour le petit spi lourd, manœuvre difficile dans la nuit et le vent. Mais j'y suis arrivé sans casse.
la mer elle aussi s'est levée, ce qui complique toute la vie sur le bateau. Ça s'annonce beaucoup plus dur que la première fois. Ce n’est pas une ambiance d'alizé et de vacances.
Et si on veut performer il faut attaquer !! Dur
C'est un sport de malade dans les conditions comme ça.
Sinon, je vais bien, j'essaie de manger, mais ça aussi c'est difficile.
il va y avoir une période un peu plus calme, mais après il faut passer au nord de la dépression, ça s'annonce corsé.
Jean-Christophe Petit et Grégoire Comby (Gilolo)
Presque la fin de la troisième nuit en mer. Depuis le début de la course les nuits sont sans lune, d'un noir profond, impossible de distinguer le moindre relief, la moindre vague, il n’y a plus d’horizon entre la mer et le ciel. Seules les étoiles plus étincelantes que jamais se jouent de cette profonde obscurité. Ce sont de longues nuits d’hiver interminables.
Cette nuit on a levé le pied, on prend soin des bonshommes et du bateau. La mer est toujours hachée, puissante, voilà deux jours qu'elle nous malmène, et secoue nos corps de vieux quadra en transe. Le vent souffle toujours avec vigueur. Les 20-25 nds annoncés se sont transformés en 25-30 nds. Nous restons continuellement à la barre et tentons au mieux de gérer l’assaut des vagues.
L'option nord ce n’est pas les grandes chaleurs, on est blottis la nuit dans nos vestes de quarts et polaires, tout cet attirail que l’on espérait au fond de nos sacs.
Aujourd’hui, c’est la fin du deuxième jour en mer, ce moment un peu magique où l'on sait que l'on vient d’entrer dans un autre univers, celui de l’océan. Ça y est nous ne sommes plus vraiment des terriens. Les vagues sont de plus en plus lumineuses, le ciel de plus en plus intense, l’horizon se rapproche de nous. Une sorte de paix intérieure ronge peu à peu notre excitation terrienne. La vie devient plus lente, plus rythmée, à l'écoute de ce qui est autour... C’est aussi ça que nous sommes venus chercher
Alex Ozon (Sapristi)
Sapristi a eu son lot de ptits pépins comme beaucoup je pense...
pour l'instant j'essaye d'aller vite et au mieux que je peux avec cette mer et le vent très instable en force.
Je suis sur le rasoir à plusieurs reprises et hier dans la nuit j'ai préféré arrêter mes bêtises. Calmos pendant 4 petites heures en essayant d'être le plus rapide en mode dégradé.
Je n’arrive pas à bien avoir les concurrents donc je ne sais pas trop ce qu'il se passe sur le plan d'eau. Ce que je sais c'est que les Açores sont presque là !!!
Hier vu 2 ptites sargassounettes... et des poissons sauteurs. Je ne sais pas trop ce que c'est. Le ciel n’est pas top, ça mouille pas mal. Hier 18,7 à nds sur un run magique... puis 19,4 de nuit sous spi sans rien y voir.
Et là de nuit avec une yeux bandés un méga run à mach 2 de 21,1kts...
Je me pose la question de la raisonnabilité du truc !!!
Sinon j'aurais quand même préféré les claquettes, débardeur et caleçon et surtout les exocets !!
je me demande bien ce que je fous là !!!
La voile est le moyen de locomotion le plus cher, le plus inconfortable, le plus lent pour aller d'un point où on est très bien à un point où on a rien à y faire.... Et benh je valide !
Les conditions sont encore un peu limites et le vent annoncé est bien sous-estimé comme souvent.
Hier 22 à 30 nds et là plutôt 25 avec claque à 30 32 nds, le tout sur un champ de mine.
Vivement que ça se calme un peu pour le matos et ce ptit Sapristi et le bonhomme.
C'est tellement sport que le lavage de dents a eu lieu juste après midi avec sa ptite lingette. Cependant, j'ai eu froid cette nuit car trempé, mais pas autant qu'en France quand on est parti.
Allez, je vous laisse, car le repos en solo c'est complexe et je n'arrête pas de changer de spi ...
Bises de proximité des Açores ;-)
Gérard Quenot et Jérôme Apolda (Blue Skies)
La mise en jambes a été courte : dès la deuxième nuit nous avons été cueillis par des vents allant de 26 à 28 Knt, avec des rafales à plus de 33 Knt, des éclairs de cellules orageuses et enfin une mer bien agitée au petit matin !!
Nous sommes maintenant passés à la configuration brise avec un ris dans la grande voile et le spi "lourd" : on aime ça et le bateau aussi ! Résultat de magnifiques surfs, une belle remontée avec une option plus Ouest à proximité de Foggy Dew et de sérieux concurrents. Nous naviguons actuellement en seconde place et il ne va rien falloir laisser au hasard !
Quelques petites réparations suite à des manœuvres par une nuit sans lune nous ont aussi occupés...
On se régale des fruits, légumes et charcuterie achetés à Madère. Côté sommeil le rythme a été raccourci et bousculé par les manœuvres nocturnes...
Xavier Gignoux et Franck Aussedat (Greengo)
Tout fou le camp !
Pas d’alizés, pas de ciel bleu, pas de lune, pas de route sud, plus personne autour de nous a l’AIS
Tout fou le camp !
Heureusement, pour le moment, le vent est là
Xavier et Franck, Greengo 247
Olivier Hausheer et Christian Zaugg (Marimar )
La journée d’hier s’est poursuivie par une belle ligne droite en compagnie d’autres JPK-istes : le 1010 COTE A COTE (220), le 960 STERGANN (282), et un autre 1010, le TRACASS. Sur une période de plusieurs heures, nous sommes restés à vue, les spis fièrement gonflés.
A la nuit tombée, nous empannons pour tenter une « sortie » vers le sud. Mais il s’avère qu’il n’y a aucune sortie pour l’instant : le vent arrive de l’arrière, alors que nous sommes à la marge de l’anticyclone des Açores. Nous ne sommes pas des Ozon, ou des Vuillemin, et cette baston nous inspire un peu de crainte de casser quelque chose si tôt dans la course. De guerre lasse, nous affalons le spi peu de temps après, pour envoyer le génois médium. Nous réempannons à l’approche d’un groupe de 3 bateaux (OBANE, VEGA et LOGODENN), qui sont tribord amure, et nous continuons avec eux. Petit contact VHF avec Jean-Yves et Paulo, nos amis du « Ruban Vert ». Sympa. Vraiment !
S’ensuit une nuit en mode shaker ! On en vient à envier ceux qui ont choisi la route sud !!! Et une nuit aussi noire que la précédente. Il y a moins de monde autour de nous… en fait, il n’y a plus personnes à l’AIS. Ça fout un peu le blues, mais on sait qu’ils sont là, tout près.
Au petit jour, le vent n’est pas extrême, mais la mer rend l’exercice difficile pour nous. Le Grib nous annonce un durcissement général dans les heures à venir. Inutile de tenter quelque chose vers le sud, et nous renonçons à envoyer un spi pour le moment. Dans la journée, le vent s’établit effectivement entre 27 et 30 nœuds. Nous prenons le 2ème ris par moment. Pas de changement en vue à court terme.
Ne le dites à personne, mais nous n’avons pas mis le spi de la journée. La Covid en particulier a bousculé notre programme d’entrainement ces deux dernières années, et nous manquons sérieusement de pratique, et notamment de la maîtrise du spi dans la brise. Et c’est rageant car nous savons que la plupart de nos petits camarades se régalent sous spi dans ces conditions.
À bientôt 19h GMT, le soleil-pastelle disparaît progressivement dans la brume épaissie de l’horizon. La mer, toujours agitée, se range un peu. Nous avons empanné il y a 2 heures, et nous avançons tranquillement bâbord-amure en direction du soleil couchant, derrière quoi se trouve le fruit de nos sacrifices récents : La Martinique !
Voilier MARIMAR IV, cagnard 243, 19h GMT ; position : 33°39 N ; 23°15 W