Derniers milles, derniers souvenirs à graver dans les mémoires
Les premiers concurrents de cette 2e étape de la Transquadra Madère Martinique, en temps réel (au moins), sont à moins de 500 milles de l’arrivée ! Les vitesses moyennes ne descendent plus en dessous de 9 – 10 nœuds, sur la route. Le calcul est simple : dans moins de 2 jours, ils seront là !
(@photo Blue Skies (Gérard Quenot et Jérôme Apolda)
Les premières estimations tablent en effet sur un passage de ligne samedi en fin de journée (heure française) pour Noël Racine et Ludovic Sénéchal (Foggy Dew), suivis de tèrs près (1h environ pour le moment) d’Alex Ozon (Sapristi), puis de Paolo Mangione (Ciao Ciao) et Pierrick Penven (Zéphyrin).
Le gros des arrivées est attendu dimanche et dans la nuit de dimanche à lundi.
D’ici là, les concurrents cravachent, profitent, composent avec des grains et des sargasses qui vont devenir de plus en plus présents à l’approche de l’arc antillais.
C’est bientôt la fin de l’aventure, alors tout devient précieux : chaque instant magique, chaque surf qui fait gagner un pouième sur ses concurrents directs… tout prend du sens, du poids, de la valeur et s’imprime dans les mémoires pour être raconté et revécu à volonté, une fois arrivé.
___________________________________
Mots du large
Arnaud Vuillemin (Jubilations Corses) : calculs de classements compensés…
Nous sommes dans un régime d'Alizés bien établi. Il fait beau, la température augmente petit à petit. Le vent est légèrement plus fort qu'hier. Avec une mer agitée. Cette nuit, nous avons eu pas mal de rafales à 25 nds. Ça commence à être fort pour le grand spi lourd. Il ne faudrait pas que ça monte plus. Avec ce vent fort notre copain Sapristi s'envole et arrive à faire la différence avec sa nouvelle carène. Pour l'instant, je suis toujours 3ème derrière Zephyrin et Sapristi. L'option nord de Zéphyrin a été décisive !! et Sapristi, qu'il est rapide !! Derrière, en compensé, il faut faire attention à Ciao Ciao, Grassi, Festa pour Aster, Phu cam et Vari qui sont en embuscade. Il faut rester vigilant pour conserver un podium.
A bord tout va bien, pas de casse, le bateau suit sa route. On gère l'énergie (panneau solaire, pile à combustible et moteur), le pilote consomme pas mal avec ce vent et cette mer.
Jubilations
Gérard Quenot et Jérôme Apolda (Blue Skies) : les 750 miles restant décisifs !
- Chaud le soleil sauf sous les grains, le vent bien établi entre 20-27 knt, la mer bien formée qui permet de dévaler les pentes au surf et... le premier quartier de lune pour souligner les crêtes des vagues !
- Chaud les manœuvres aujourd'hui, avec un empannage chinois pour commencer.
- Chaude la stratégie avec un bord à droite pour se recentrer dans l'axe du vent, et vlan le vent qui devait tourner à gauche, tourne à droite en faiblissant...
- Chaud le 2ème empannage avec changement de spi, où une écoute de spi se coince dans le safran bâbord ; le bateau devient ingouvernable, spi bloqué avec 20-25nds... Obligés de couper l'écoute pour affaler le spi ; puis bateau gité, comprendre et finir par décoincer le bout d'écoute entre le safran et la coque... Heureusement, nous avons un jeu d'écoute de spare !
Voilà c'est reparti, spi A4 en tête, et sur le bon bord ! Alors nous vous faisons partager notre coucher de soleil.
G&J
Frédérique Nouel et Denis Lazat (Fondation de la mer) : inventaire à la Prévert des bons moments de la Transquadra… Merci les rouges d’avoir bataillé pour que cette édition existe !
Tout va bien à bord de Fondation de la Mer.
J'ai essayé depuis quelques jours d'élucubrer autour de certains bons moments que nous passons à bord juste pour que vous sachiez que cette Transquadra n'est pas seulement une suite de galères à gérer, de problèmes techniques à surmonter. Pas seulement une suite de voiles déchirées, de culs de sac météo, de pilotes automatiques cyclothymiques, d'ordinateurs à rebooter. Pas seulement des « qu'est-ce que j'ai fait de la pince ? » ni des « Putain, Iridium a encore planté ».
Des bons moments, pour nous il y en a eu plein d'autres. En voici encore quelques-uns dans le désordre :
- Un magnifique coucher de demi-lune au beau milieu de la traversée
- Quand on reçoit un fichier météo qui dit enfin la même chose que le fichier précédent !
- Quand le vent revient après trois ou quatre jours de pétole
- Quand on reçoit le message d'un de ses enfants qui vit sa vie à l'autre bout du monde et qu'on s'aperçoit qu'il suit votre aventure et que peut-être il est même fier de vous
- Quand on apprend qu'un ami blessé va mieux et qu'il va pouvoir continuer.
- quand on sent qu'on peut s'assoupir en faisant confiance au pilote automatique qui arrive totalement à gérer malgré la mer croisée
- quand un poisson volant atterrit sur le pont mais qu'il ne fait que rebondir et en un sursaut retourne à l'océan,
- quand tu regardes l'heure et que c'est le moment d'aller réveiller ton équipier. D'accord c'est un petit moment sadique mais c'est un sacré bon moment.
- quand on prend le temps d'envoyer un message à un autre concurrent qui enchaîne les avaries pour lui remonter le moral,
- Quand on range enfin les cirés pour de bon en se disant que ce coup-ci c'est pour de vrai, qu'on en aura plus besoin jusqu'à l'arrivée parce qu'on va vers les iles et qu'il fera de plus en plus chaud. On les range, mais bon, on les garde sous la main quand même !
- quand on découvre qu'en fait il restait encore deux pamplemousses !
- quand on peut enfin prendre des douches sur le pont à coups de grands seaux d'eau de mer et y sécher ensuite tranquillement au soleil, sans avoir froid.
- quand tout le bateau est bien rangé après une nuit de combat et deux ou trois départs en vrac. Tout ? Oui tout ! Pas seulement les bouts du cockpit : l'intérieur aussi !
Et oui, oui, oui, je n'oublie pas : bien sûr il y eut des dauphins, il y eut des couchers de soleil, il y eut des arcs en ciels. Évidemment, quand il y a de gros nuages de pluie noirs sur une mer verte, ça fait forcément de beaux arcs-en-ciel quelque part.
Alors pour tous ces bons moments, toutes ces images et toutes ces émotions, nous en profitons pour dire un grand merci à tous les organisateurs de ce superbe évènement. La Transquadra est une belle course. Mico Bolo, Martine et les rouges se sont battus pour faire en sorte que cette édition arrive à partir malgré les vents contraires du Covid.
Bravo à eux et merci.
Denis
A bord de Fondation de la Mer
Benoit Cornet (Boldmove Nation) : safrans récalcitrants, mais matés
Bonjour depuis le bateau aux safrans fous !
On avait démarré fort, le bateau et moi avec un secteur de barre qui glissait et qui donnait comme résultat un comportement erratique, comme si on avait des tours à vide dans le volant de sa voiture, avant que cela ne commence à tourner. Après avoir fait plusieurs fois le coup du bateau fantôme, dérivant sans voile et bibi couché dans le caisson arrière pour tenter "quelque chose", après avoir poussé sur le fameux bouton de la balise ;-), je me suis résigné à faire 150 milles de détour (environ 200 au total) pour bénéficier de l'esprit de camaraderie de la TQS (Merci Stéphane !) et accessoirement d’un peu d'aide pour remettre toutes les choses en place. Après presque 24 h d'escale, il fallait y aller, certain que ma misère n'était rien comparé à celle de "La mer est ronde" et ses dizaines d'heures de moteur dans la mer que l'on a tous vu, pour rejoindre Ponta Delgado.
C'était sans compter sur le restant de la "Team Système de barre" qui ne veut apparemment pas de cette transat et a mis en œuvre des stratégies diverses : le safran tribord était plutôt pour une "coupure" et a tenté de s'arracher. Le safran bâbord, misait plutôt sur le sabotage de l'intérieur, avec une jolie craquelure sur la tête de safran.
Rien n'y fera (du moins pour maintenant) les deux cas ont été traités avec fermeté et compréhension et l'engagement a été pris de ne pas trop les faire souffrir en modérant l'allure jusqu'à ce que nous soyons plus proches du Marin.
A mi-parcours, au milieu de la zone "nemo" de l'Atlantique, BoldMove avance d'un pas lent de sénateur et souhaite aux premiers d'arriver vite, comme cela la distance à ceux-ci pourra enfin diminuer :-)
Une pensée pour l'équipage de Moogli, qui doit trouver le temps bien long dans leur désert de vent !
Benoit et Propaganda 3
Patrick Morvan et Guillaume Pinta (Team BFR Marée Haute) : 3 pièges à déjouer
Team BFR Marée Haute continue son petit bonhomme de chemin de belle manière avec de bonnes conditions : soleil top, lune topissime, angle du vent pas idéal (on l'a trop dans le derrière) pour du confort et de bonnes vitesses.
Hal barre moins bien que nous en général, mais mieux que nous lorsque l'on s'y endort ; on va tenter de peaufiner de nouveaux réglages.
Nous ne sommes néanmoins pas ridicules dans la conduite de notre embarcation et notre classement de ce matin s'améliore quelque peu.
Nous aurons trois pièges à déjouer les jours à venir.
- Le premier est la densification probable des grains que pour le moment nous avons évités avec notre détour par la mer du Nord. Patrick veille sur nous avec son sens marin impressionnant.
- Le deuxième est la densification probable des sargasses en approche de la Martinique. Nous récupérons tous les 3 jours des images satellites détaillant les zones à éviter que nous intégrons dans notre logiciel de routage.
- Le troisième est la présence probable de filets de Dispositif de Concentration de Pêches (DCP) en approche des îles. Normalement ces DCP doivent être déclarés à un organisme qui fournit leur position. Merci à tous ceux qui veulent bien regarder sur internet le moyen d'avoir des informations sur le sujet en approche de la Martinique (j'avais totalement zappé ce sujet).
Pour ceux qui s'inquièteraient de notre sort, nous vous assurons que les plats préparés de chez Carrefour nous conviennent parfaitement, voir même que nous les apprécions pour leur goût et leur pratique (notre cuisine n'est pas un laboratoire), et que ni Patrick ni moi ne déclarent de dysfonctionnements psychiques ou corporels. Il n'y aura donc aucune distribution d'inconsommés à l'arrivée.
A demain pour de nouvelles aventures.
Portez-vous bien, soyez raisonnables et n'allez pas prendre froid !
Bises
Jérôme Lesieur (Fantasia XIII) : mobylette ou Google boat ?
Quand j’ai acheté le bateau il y a 3 ans pour la Transquadra, tout le monde m’a dit : tu verras, c’est une « mobylette ».
J’ai alors dit oui poliment en me disant que je trouverais bien un jour ce que cela pouvait signifier.
Le truc bleu-gris plein de cambouis et qui fait de la fumée, je voyais bien ce que c’était (j’ai eu 15 ans dans les années 70) mais je ne voyais pas bien le rapport avec le bateau blanc que j’allais découvrir.
J’ai cherché dans les activités connexes.
Passer des heures à nettoyer le carburateur à l’essence ? Non, celui du moteur Volvo diesel de Fantasia n’a posé aucun problème.
Bricoler le pot d’échappement à la chignole pour booster la machine ? J’ai bien eu un problème de ce genre mais il a été réparé par un professionnel. Et sans effet sur la performance. Pas ça non plus donc.
Et depuis 2 jours, je crois avoir trouvé. Sous petit spi (je n’en ai plus d’autre), par 25 knts de vent et entre 8 et 14 knts de vitesse selon la hauteur et la période des vagues, le bateau marche tout seul. Je n’ai pas touché la barre depuis 2 jours, Fantasia va tout droit sans (presque) aucun départ au lof.
Alors c’est peut-être ça une mobylette, un truc qui marche tout seul sans qu’on ne lui demande rien et sans effort.
Personnellement, je n’ai jamais réussi à lâcher le guidon plus de 10 secondes, donc plutôt qu’une mobylette, je pencherais pour quelque chose de plus « new age » avec un concept de Google-Boat : rien dans la tête, tout dans l’électronique.
En espérant que les concepteurs californiens n’aient pas trop fumé et qu’aucun bug ne se produise avant dimanche.
En attendant, puisque tous se passe très bien sans moi, je retourne à mes playlists… et tant pis pour les poissons volants.
Fabrice Tropres et Coralie Colin (SOS Méditerranée) : coup de genou malheureux
Il y a quelques mois lorsqu’on me posait des questions sur la difficulté d’une traversée de l’Atlantique Voici ce que je répondais : le plus dur sera d’amener le bateau à Lorient. Après sur Madère Martinique rien de difficile, juste la longueur à gérer et les coups de soleil !
Fin de l’histoire, claquage de bretelles, sourire suffisant, bonne nuit les petits.
Il y a deux jours :
Bien fatigués par une route Nord qui a laissé des traces, nous naviguons la nuit, par trente nœuds, sous une pluie battante et dans une mer formée.
Nous sommes au portant, Solent tangoné et il faut prendre un ris et empanner. Personne ne rigole. Surtout pas Coralie qui va partir en expédition très loin sur la plage avant. On détangone et Coralie est toujours là, cool. Le ris maintenant, il faut lofer, nez dans deux mètres de creux et s’arracher les mains à descendre cette grande Grand-Voile. A ce niveau de la manœuvre nous sommes déjà cuits. Le ris est pris. Il faut empanner. Toujours la nuit, la pluie, trente nœuds et les grosses vagues.
On borde la GV comme des bourins, pour éviter le passage destructeur de la voile à deux cent à l’heure. Le petit coup de barre déclencheur, suivi du rattrapage de direction façon 24h du Mans. Un choqué de voile salvateur et AYÉ nous sommes en route sous pilotes sur l’autre amure. On n’a rien cassé. Nous sommes épuisés de fatigue et de stress, mais heureux de s’en être sortis à si bon compte.
Tout à coup le bateau part en vrille, abat sauvagement et ré-empanne. Les écoutes de GV entortillées autour des deux barres ! Horreur !!
On choque tout ce qu’on peut, on libère les barres et on ré-empanne à la volée. Ça passe malgré le fait que nos deux embouts de rail d’écoute n’existent plus !
En fait un coup de genoux malencontreux a débrayé le pilote. Privée de chocolat jusqu’à ce que mort s’en suive.
Je ne dirais plus jamais que dans une transat le plus compliqué est le choix de la crème solaire. Nan ! Jamais plus.
Jean Passini et Dominique Dubeau (SNA Numerobis) : ici, tout est décuplé
Enfin depuis quelques jours nous déboulons vers le sud en surfant au soleil !
Ceci depuis que nous avons contourné la dernière dépression qui représentait un peu une bouée ou une ile à contourner dans mon imaginaire tant nous y avons pensé avant, pendant et aussi après d’ailleurs.
Maintenant nous descendons et ce n'est pas de tout repos, les conditions changent très vite dans une même journée et il faut s'adapter. Mais nous mesurons notre chance de pouvoir naviguer au portant aussi longtemps, alors que d'habitude il faut refaire le chemin inverse au près en bien plus longtemps.
Ce qui est incroyable c'est ce bruit généré qui est permanent, par notre coque qui glisse, surfe sur les vagues et génère les gerbes d'eau de chaque côté. Alors on avait bien emmené des casques pour protéger la tête lors des manœuvres dangereuses la nuit en plein noir mais pas de casque antibruit !! :-) !
Nous n'avons strictement rien vu depuis trois jours, aucune vie animale ni de cargo ! mais on sait que nous sommes entourés de nos collègues de la course grâce aux infos reçues.
On échange avec d'autres bateaux.
Le passage en dessous des 999 NM du but est un grand moment car notre afficheur ne savait pas indiquer plus et voilà 11 jours que l'on attend de franchir la barre des 999 pour enfin avoir en lecture directe la distance. Plus sérieusement, on n'a pas regardé le manuel là-dessus.
Les nuits sont magiques, cette nuit la lune éclairait les nuages disposés en plusieurs plans successifs, Ils étaient voluptueux et véritablement en trois dimensions très volumineuses ! On aurait pu y voir des vues aériennes en noir et blanc de contrés lointaines.
Finalement ici tout est décuplé : la taille des vagues, le vent car il est très soutenu depuis longtemps, le néant car on ne voit rien, le temps car tout est long et loin.
On attend toujours les poissons volants dont on nous a parlé. On en a vu quelques-uns mais en très petit nombre !
Bon j'espère que l'on va trouver l'occasion de reprendre une petite douche, enfin c'est vite dit, avant de retrouver nos familles, parce qu'il va y avoir du boulot.
Allez, désolé, mais ça semble bouger là-haut j'y retourne, et là le flux de bateaux se resserre vers l'objectif ! le rythme des positions reçues est motivant !
A bientôt
Jean.
Désolé pour la frappe , en mer... nos bateaux ne sont pas tout confort !