Message du large de Logodenn
« Il y a des moments magiques comme celui-ci, que l’on compte sur les doigts d’une main dans une traversée, allez, sur les doigts des deux mains, et c’est ça aussi ce que l’on vient chercher sur une Transquadra. Cette nuit, il fait bon dehors, et Logodenn a beau être au près serré, il sautille sans taper sur une mer plate, sous 10 nœuds de vent, gité comme il faut, sous un ciel étoilé sans nuage, avec une demi-lune qui brille fort. Il glisse à 6-7N, et Georges notre pilote fait un travail remarquable, ce qui nous permet d’admirer la beauté de la nuit, et d’écrire ce petit texte, adossé aux filières, au poste de barre.
Les étoiles sont partout, le W en sortie du carré du bateau, la grande ourse, la voie lactée (j’avais écrit la voile lactée hi hi…) et quelques centaines d’autres avec une poignée d’étoiles facilement reconnaissables, mais dont je ne connais pas les noms. Et oui, je m’étais pourtant promis de m’intéresser à ce sujet suite à ma première traversée, mais crêpe je suis et crêpe je reste car je n’ai pas pris le temps de le faire.
Enfin un moment magique, dans cette première manche sans soleil ou presque, essentiellement au près, avec des molles… Envolés les rêves de grandes glissades à n’en plus finir. Enfin du spi, on vient quand même d’en avoir un peu. Et les deux nuits passées ont été difficiles physiquement, car sous spi et avec une mer un peu croisée. Et comme Georges refuse les vagues, et bien c’est nous qui barrons ! Et de nuit sous spi, sans étoile la première nuit, heureusement qu’il y avait le feu de mât de Tracass en ligne de mire pour nous aider, sinon c’est un pilotage à la boussole, et c’est un peu fatiguant et aliénant à force.
Sacré Georges, notre relation s’est quand même bien améliorée ces derniers temps, fini les 98% de barre à la main de la dernière Transquadra ! Mais Monsieur Georges reste encore un peu secret et ne veux pas nous dévoiler toutes ces capacités. Il vient de chez Brooks, de l’autre côté de la Manche, et trouver des utilisateurs pour échanger n’est pas simple.
Et à part çà
À part ça la bricole est au rendez-vous chez nous quasiment tous les jours. Logodenn a plus de 16 ans, et même si je nettoie ses winchs régulièrement (mon frère Yves peut en témoigner, cela faisait partie de la to do list Rochelaise avant le départ de la 45/5), il faut y revenir souvent. 2 winchs ne bloquaient plus, c’était dangereux et pas très pratique, nous les avons complètement démontés pendant la première molle devant la Corogne, juste avant la tombée de la nuit.
À part ça, il y a deux nuits, celle démarrée dans la purée de poids je crois, la table à carte était poisseuse et nous avons eu le phénomène de la « souris folle ». Elle se déplaçait toute seule sur l’écran, en sélectionnant parfois des objets, les déplaçant, et il était particulièrement difficile de réussir à sélectionner et cliquer sur quitter pour fermer les applications. Bref, une fois le problème endigué après une extinction complète de l’ordinateur, notre vénérable logiciel Maxsea ne pointait plus les AIS des bateaux. Pas terrible pour l’espionnage des concurrents, très moyen pour la traversée des rails de cargos. En essayant d’améliorer les choses (de base, extinction-rallumage) j’ai perdu la connexion entre l’électronique du bateau et Maxsea Timezero le logiciel de navigation. Ballot, avoir une carte électronique sans position du bateau sur la carte n’est pas très pratique, en tous les cas auprès des côtes…. Après une ou deux heures de recherches infructueuses j’en ai pris mon parti et ai commencé à positionner les points de Logodenn toutes les heures à partir d’un GPS.
J’ai quand même appelé via l’Irridium GO en fin de matinée suivante notre expert Lorientais de l’électronique, ROM Arrangé, et suis tombé sur Benoit, qui a bien compris notre embarras et son contexte, et a fait preuve d’une redoutable sagacité. En 10 minutes d’échanges, l’élément fautif était démasqué, et les branchements refaits pour permettre de retrouver une configuration nominale de logiciel de navigation. Un grand merci à Benoit. Vraiment.
À part ça, nous avons retrouvé notre cible habituelle Tracass en fin d’après-midi après la terrible molle qui a durée 4h. Content de retrouver un peu d’humanité, et particulièrement heureux de leur manœuvre, qui nous a surpris, et qui permet d’intervertir nos rôles respectifs de chasseur et de chassé. La route reste longue, 300 miles.
À part ça, enfin, notre bouteille de Givry blanc 1er cru est sur la fin… un dernier apéro sans doute demain soir pour la finir, celui de lundi soir se fera au jus de pomme…
La lune se couche, superbe couleur. »
Éric Tilly et Ronan Morvan sur Logodenn