Résilience, philosophie et bonne humeur
Hugues le Cardinal (Mascarpone) dont les deux pilotes automatiques sont tombés en panne il 4 jours à dû ensuite faire face à une avarie de safran… Il a finalement réussi à réparer, non sans mal, et à retrouver une situation viable et efficace. Il poursuit sa course avec résilience, philosophie et bonne humeur : bravo à lui ! Mascarpone pointe ce vendredi en 10e position à 660 milles du but.
Bonjour à toutes et à tous,
Il s’est passé beaucoup de choses pour moi depuis mes dernières nouvelles.
La navigation hauturière comporte cet aspect que j’aime beaucoup de l’autonomie de la gestion des situations avec les moyens du bord. Ici, ce n’est pas une expression mais une réalité. Je l’avais dit à certains avant le départ, il arrive toujours des pannes ou des soucis et ça ne se passe jamais comme on l’avait imaginé et anticipé. J’avais aussi dit que si je n’avais pas de souci technique, je serai bien classé, c’était vrai à la première étape, encore plus à la deuxième, 5eme en temps réel, 2eme en temps compensé. J’aurais probablement terminé 3e ou 4e.
Que s’est-il passé ?
Dans la deuxième partie de la nuit de dimanche à lundi (du 9 au 10 février), le vent était très variable du fait de nuages et j’ai dû faire beaucoup de changements de voiles. J’ai même dû affaler spi et génois belge pour faire un bord de vent de travers ! Très peu de repos durant cette nuit. Dans la journée encore des grains et des manœuvres. En fin d’après-midi, le bateau glisse enfin tranquillement sous spi médium. Je décide de mettre une voilure réduite pour la nuit, 1 ris dans la grand-voile et spi lourd. Dans cette configuration, je peux naviguer dans 30 nœuds de vent. Je me repose sereinement. Dans la nuit, le vent monte, je m’équipe pour sortir. Je suis sur le pont trop tard, le bateau est parti sur lof couché. Le vent est vraiment fort et je suis sous une pluie battante. Je rentre le spi, il est entier. En revanche, l’anneau de tangon a cassé (j’en ai un deuxième). Le vent souffle à 40 nœuds.
Je barre dans la nuit sous la pluie avec 40 nœuds de vent, le bateau file, c’est magique. Pas de sortie de route. Je sors enfin du grain, je retrouve des conditions légères. Le pilote principal ne s’enclenche pas et celui de secours braque la barre à fond. J’affale les voiles et cherche à réparer. J’identifie qu’un des vérins se bloque dans une certaine position, je le démonte. J’installe l’autre à sa place mais ne réussis pas à faire fonctionner le pilote de secours, il y a une autre panne. Le pilote principal n’a plus d’alimentation, je cherche et je ne trouve pas. Dans la matinée, j’arrive à joindre Olivier, le technicien de Madère. Grâce à lui, je rétablis l’alimentation. Au moment de mettre en route le pilote, je m’aperçois que le capteur d’angle de barre est cassé. Je le démonte et installe celui de remplacement, qui ne fonctionne pas ! Il va falloir faire marcher le pilote de secours.
Le beau soleil m’a fait oublier le décalage horaire. En fin d’après-midi et début de soirée, je navigue avec voiles en ciseaux et barre amarrée. J’affale les voiles pour dormir. Dans la nuit, après un repos nécessaire, je relis la notice du pilote. J’arrive à joindre le technicien dans la matinée et grâce à lui, le pilote fonctionne !
La violente sortie de route a généré 4 pannes : vérin, capteurs d’angle de barre des 2 pilotes et alimentation du pilote principal. Nul en technique, j’avais prévu une séance de 2 heures avec le technicien sur ces sujets mais j’étais en convalescence et j’ai dû annuler.
Me voilà reparti ! Le pilote de secours n’a qu’un mode cap alors que le pilote principal sait maintenir un angle par rapport au vent apparent ou au vent réel ; il est donc beaucoup moins précis et efficace. Le vent est soutenu et je suis au portant. Pour que le pilote ait moins de travail, je mets grand-voile à 2 ris et Solent a 1 ris tangonné
En route vers la Martinique ! Le vent est vraiment fort et je suis obligé de barrer beaucoup. Après une séquence incroyable avec jusqu’à 38 nœuds de vent et un surf à 14 nœuds, je réussis à affaler la grand-voile et passe la nuit sous Solent seul.
Le lendemain matin, j’essaie plusieurs configurations de voiles pour équilibrer le bateau, la meilleure étant avec mes 2 focs en ciseaux. Le vent étant fort, je navigue aussi un moment sous foc seul.
Alors que j’allais prendre la barre, j’entends « clong » ! La fixation de la pelle de safran bâbord est défectueuse. Je suis dépité, je pensais avoir eu mon lot de soucis.
Cette pièce fondamentale du système de direction du navire est fixée par une ferrure supérieure et une ferrure inférieure, chacune fixée par 3 écrous et 3 boulons. L’inférieure a perdu ses 3 boulons et 2 écrous sont encore présents. La ferrure est écartée. Je récupère des boulons de 18.
Avec la drisse de grand-voile et mon marteau, impossible de remettre écrou et boulon. Bien sûr, cela se passe penché, à l’arrière du bateau, bien attaché, mais au ras de l’eau en prenant des vagues sur la tête… je mets en place un brélage sur chaque trou. Ils vont certainement casser mais ils sont trois, je pourrais les changer.
Toujours dans du vent fort et pour ne pas trop solliciter ce montage, je navigue voilure réduite, tourmentin tangonné et voile de cape. Je me dirige vers une zone de vent moins fort pour renvoyer de la toile en espérant y trouver une mer moins forte.
L’aventure continue. La mer est superbe ces jours-ci dans ce vent fort. Quel spectacle !
Cette nuit je l’ai aussi admirée au clair de Lune. Je ne serai pas en Martinique dimanche (ma prévision avant perte pilote) ni mardi (ma prévision avant avarie de gouvernail), j’espère y être en fin de semaine.
Je vais bien, le bateau avance, j’ai à boire. Le moral est bon.
Amitiés à tous. Hugues